Carte archéologique et topographique des ruines de Carthage

À la bibliothèque universitaire des Deux Lions, nous avons récemment inventorié et catalogué un exemplaire de la Carte archéologique et topographique des ruines de Carthage dressée d’après les relevés de M. l’Adjoint du Génie Bordy avec le concours de MM. le R. P. Delattre, le général Dolot et P Gauckler. Ce document cartographique ne porte aucune date de publication. Cependant l’ouvrage de Abdelmagid Ennabli, Carthage « Les travaux et les jours » Recherches et découvertes 1831‑2016 (2020) nous a permis d’en savoir un peu plus sur les circonstances de sa réalisation et deux de ses contributeurs. Les paragraphes ci-dessous résument pour l’essentiel ces informations.

Les contributeurs

Le Père blanc Alfred-Louis Delattre (1850-1932) a été installé sur le site par le cardinal Charles-Martial Lavigerie (1825-1892). À partir de 1875 et plus d’un demi-siècle durant, c’est une archéologie archaïque qui prévalut sous sa conduite, car il multiplia les trous et les tranchées, semant la désolation sur le site (cf A. Ennabli, p. 26-27), au grand dam de Paul Gauckler (1866-1911), directeur du service des Antiquités et des Arts pendant treize ans, de 1892 à 1905, qui cherche à tempérer l’ardeur de cet encombrant ecclésiastique. En vain, car Delattre bénéficie de soutiens et d’admirateurs, et surtout de la passive complicité des autorités politiques de la Résidence générale qui le protègent par une espèce de modus vivendi (cf A. Ennabli, p. 26-27 et p. 21-22).

Sur les deux autres contributeurs de la carte, Abdelmagid Ennabli ne nous dit rien. Nos propres recherches ne nous ont pas apportées d’informations substantielles sur Pierre Brody (1855-19..). Quant au général Gabriel Dolot (1847-1924), il est l’auteur de 1896 à 1923 de plusieurs brochures concernant le monde arabe, de la Tunisie à la Mésopotamie.

Brève présentation de la carte

Initiée par Charles-Simon Clermont‑Ganneau (1846-1923) avec une proposition tendant à l’exécution d’un plan de Carthage présentée lors de la séance du 6 novembre 1896 de l’Académie des Inscriptions et Belles‑Lettres⁽¹⁾, cette carte a été levée en 1897, et publiée en 1906. Du travail de préparation témoigne encore un zinc à l’échelle 1:20 0000 ayant servi à l’établissement de la carte. Il existe également une version au 1:4 000 en 4 feuilles localisée seulement à la BnF dont la date de publication est inconnue. S’agit-il d’une étape préliminaire ?

Sa réalisation est signalée à plusieurs reprises par Paul Gauckler (Marche du service en 1897, p. 11 ; 1899, p. 14), mais son édition tardera. Alors qu’elle n’est toujours pas publiée, le directeur du service des Antiquités et des Arts n’hésite pas à l’utiliser pour ses travaux. Le 16 décembre 1904, dans une communication sur la topographie de Carthage à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paul Gauckler indique explicitement qu’il a utilisé la carte au 1:5 000 dressée par Brody. Curieusement, ce n’est qu’après son départ de Tunis que la carte est enfin publiée.

Composée de trois feuilles au 1:5 0000 reproduites et imprimées par le Service Géographique de l’Armée et couvrant la partie nord‑est de la presqu’île depuis le cap de Sidi Bou Saïd au cap Gammarth à l’ouest et jusqu’au Kram au sud, ce document est resté peu connu, alors même qu’il est précieux par le fonds topographique et les renseignements qu’il comporte sur l’état géographique et topographique ainsi que les occupations humaines traditionnelles et anciennes et celles introduites par l’établissement du Protectorat en 1881.

Plus d’informations : A. Ennabli, p. 50-56 et p. 489-492 (Index topographique)

Panorama rapide des cartes et plans de Carthage

La Carte archéologique et topographique des ruines de Carthage n’est pas la première concernant ce site antique, ce n’est pas non plus la dernière.

Parmi celles qui l’ont précédée, nous citerons :

• Plan du terrain et des ruines de Carthage, levé et dessiné en 1831 par C. T. Falbe : réalisé par l’explorateur, archéologue et cartographe Christian Tuxen Falbe (1791-1849) et édité en 1833 à l’échelle 1:16 000, il était accompagné initialement d’un opuscule de 55 pages et a fait l’objet d’utilisations ultérieures au cours du XIX^e siècle.

• Plan des fouilles effectuées par Beulé sur la colline de Byrsa : réalisé par Charles-Ernest Beulé (1826-1874) pour son ouvrage, Fouilles à Carthage aux frais et sous la direction de M. Beulé (1861).

• Environs de Tunis et de Carthage : carte réalisée sous la direction du commandant Perrier, en 1878 et publiée en 1880 à l’échelle 1:40 000. Simplifiée jusqu’à être schématique, elle sera utilisée pour la carte intercalaire de la feuille XV (La Marsa) publiée dans la 3^e livraison (1895) de l’Atlas archéologique de la Tunisie, livraison dont la bibliothèque universitaire des Deux Lions ne conserve malheureusement pas d’exemplaire.

• Carte d’état-major au 1:50 000 publiée en 1893.

Des cartes plus sommaires ont été publiées à la même époque que celle de Bordy, notamment celle compilée par Blondel et publiée par Delattre dans Un pélerinage aux ruines de Carthage (1906). D’autres suivront au cours du XX^e siècle. Pour en savoir plus sur les documents cartographiques concernant Carthage, nous vous renvoyons aux pages 42 à 64 de la monographie d’Abdelmagid Ennabli.

Bibliographie sommaire

Abdelmagid Ennabli, Carthage « Les travaux et les jours » Recherches et découvertes 1831‑2016, Études d’Antiquités africaines, 2020/1.

Myriam Bacha, Patrimoine et monuments en Tunisie 1881-1920. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2013.

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1. Proposition approuvée par la Commission des études du Nord de l’Afrique lors de la séance du 20 novembre 1896 et inscrite au Journal officiel dès le 24 novembre suivant.

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